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Forêts? Non merci!

Comment deux ministres défendent le droit à la déforestation

L’UE veut sauver les forêts tropicales. Le Luxembourg n’en veut rien savoir. Il fait preuve d’un sens aigu des responsabilités internationales… en s’opposant résolument à la protection des forêts et en luttant farouchement contre le règlement européen sur la déforestation. La ministre de l’Agriculture Martine Hansen et le ministre de l’Environnement Serge Wilmes sont d’accord: assez de cette panique écologique injustifiée! Car là où il n’y a pas de jungle, il n’y a pas de problème.

▲ Le gouvernement plante un argument.
▲ Le gouvernement plante un argument.

Alors que 17.460 hectares de forêt tropicale disparaissent chaque jour en Amérique du Sud, en Asie et en Afrique, une résistance héroïque s’élève depuis le cœur de l’Europe. Le Luxembourg, seul pays tropical sans tropiques, déclare la guerre à la Commission européenne, au nom de la forêt. Plus précisément: au nom de sa forêt, qui n’est même pas concernée. C’est justement pour cela qu’elle mérite d’être protégée.

Martine Hansen trouve les mots justes: «Nos vaches n’importent pas de soja.» Cousine au premier degré du commissaire européen à l’Agriculture Christophe Hansen, elle en a assez de la tendresse écologique bruxelloise. Que ce soit justement elle qui parte en guerre contre un règlement de la Commission européenne donne à l’affaire des allures de saga familiale, dont le dénouement n’a pas lieu au salon, mais sur la scène feutrée de Bruxelles. La recette de Martine Hansen contre la déforestation mondiale: le Luxembourg n’est pas un pays tropical, alors pourquoi changer quoi que ce soit? Tant que l’herbe reste verte dans l’Oesling, le reste du monde peut bien être rasé.

Le Droit à la déforestation

Martine Hansen reçoit le soutien du ministre de l’Environnement Serge Wilmes, surnommé le «ministre du béton». En tant qu’échevin de la Ville, il transforma les places ombragées en dalles brûlantes, abattit les arbres superflus et créa un espace généreux pour accueillir le changement climatique. Dans sa politique environnementale, il n’y a pas de place pour la forêt – elle est déjà réservée aux futures zones à bâtir. Pourquoi défendre les espaces verts, alors qu’on peut y semer des appartements?

Depuis son entrée en fonction, Wilmes s’illustre par une constance admirable dans la transformation du vert en gris. Le voilà désormais passionné de pétitions – non pas pour protéger les forêts, mais pour les libérer de leur protection encombrante. Il précise:  «Si l’on commence à s’intéresser à l’huile de palme importée, où va-t-on ? Quelqu’un pourrait croire que nous avons un lien avec le reste du monde. »

Un ministre de l’Environnement qui ne veut pas empêcher la déforestation, mais s’assure qu’elle ne soit surtout pas gênée? Cela ressemble à une satire, mais c’est une politique gouvernementale.

Son approche du loup suit la même logique. À Luxembourg Jungle, Wilmes déclare:  «Même sans meute sur le territoire, le loup reste une menace sérieuse. Je suis donc pour sa mise à mort. Les loups sont comme les questions qui dérangent: mieux vaut les empêcher d’apparaître

Pendant que Greenpeace et natur&ëmwelt invoquent désespérément les articles de loi, les données scientifiques et le bon sens, le Luxembourg lance son offensive diplomatique estivale avec une pétition au titre évocateur: «Protégeons le droit à la déforestation».

L’abattage des arbres classé au patrimoine culturel immatériel?

Tandis que Hansen et Wilmes plaident à Bruxelles pour les forêts... abattues, les réseaux sociaux s’enflamment. Les citoyens s’interrogent: pour qui travaillent nos ministres? Pour un développement durable ou pour le lobby du cacao et de l’ameublement?

Pour nos steaks, nos burgers et nos boulettes, les forêts tropicales sont filetés. En Amérique latine, on parle désormais de «déserts de soja». D’anciens écosystèmes luxuriants, devenus cantines industrielles pour le bétail européen. Avec 85 kilos de viande par habitant, le Luxembourg se hisse fièrement à la 36ᵉ place mondiale.

Un document interne du ministère de l’Agriculture a fuité. Extrait: «Objectif: faire disparaître le mot ‘déforestation’ du discours public. Terme recommandé: ‘optimisation durable des surfaces’.» Et plus loin : «Le soja ne doit surtout pas être associé à la consommation de viande. Le cas échéant, insister sur sa présence dans le tofu. (voir chapitre 'Dénigrement des végétariens'.)»

Le Luxembourg poursuit sa lutte acharnée pour le droit à la déforestation, s’il le faut, jusqu’au dernier arbre. Et si, par miracle, l’un d’eux devait survivre, le gouvernement a déjà pris ses précautions:  le ministre de la Culture examine le classement de l’abattage des arbres au patrimoine culturel immatériel.

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