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Le Sou et le Sceptre

La dynastie en circulation – avec réalité retouchée

La dynastie change de tête – sur les pièces, sur les murs, sur les brochures.

L’artiste a peint, le graveur a frappé, le photographe a cliqué, et maman a validé.

Comme toujours : la réalité a été légèrement retouchée – pour le peuple, pour les archives, pour le caddie.

Un dialogue satirique entre Henri et Guillaume.

Guillaume :

Papa, je ne comprends pas. Les journaux, la télé, la radio – même chez le boulanger – tout le monde parle du « changement de trône ».

Mais j’ai cru que tu allais abdiquer et partir en retraite. On change juste le trône, et toi tu restes assis dessus ?

 

Henri :

Gui-Gui, ça s’appelle la tradition. On ne change pas le sens, on change les symboles.

Le Grand-Duc part, le Grand-Duc arrive – mais le trône reste.

C’est comme au théâtre: l’acteur change, le décor reste.

La phrase « Vive le Grand-Duc » reste – on change juste la tête derrière.

 

Guillaume :

Donc je suis juste une nouvelle décoration sur un vieux meuble ?

 

Henri :

Exactement. Tu es le vernis frais. Le peuple veut du neuf – mais pas trop neuf. Sinon, il prend peur.

 

Guillaume :

Et moi qui pensais pouvoir changer quelque chose…

 

Henri :

Changer? Mais ce n’est pas le rôle du Grand-Duc.

Ta mission: représenter, sourire, saluer, et couper les rubans – avec style.

Guillaume :

Papa, regarde ! Je suis sur une pièce !

Je trouve que j’ai l’air du James Bond luxembourgeois – juste avec un peu plus de calories.

 

Henri :

Ce n’est pas juste une pièce, Guillaume. C’est de la symbolique.

Désormais, ta tête sera frappée sur chaque caddie. Tu fais officiellement partie de la culture de consommation.

 

Guillaume :

J’ai dû poser des heures chez le tôlier, sans bouger, comme une statue.

 

Henri :

Mon fils, ce n’est pas un tôlier – c’est un graveur.

À partir d’un flan, on fait une pièce.

Tu n’es plus juste le lieutenant-représentant – tu es le flan du pays.

 

Guillaume :

J’espère que je rentre dans le caddie.

Mais je trouve que j’ai l’air étonnamment sportif. Comment ils ont fait ça? Photoshop sur métal ?

 

Henri :

On appelle ça une retouche diplomatique, fiston.

Le peuple doit croire que le Grand-Duc peut courir un marathon – ou au moins un sprint du palais jusqu’à Kaempff-Kohler ou Oberweis.

 

Guillaume :

La princesse Stéphanie dit que j’ai l’air de ne boire que de l’eau minérale Rosport – pour que le peuple m’admire.

Je crois qu’il me faut une stratégie diététique officielle – pour rester cohérent avec l’euro.

 

Henri :

Ne t’inquiète pas, mon fils. Le peuple critique aussi le portrait peint par Schauls.

Dessus, tu ressembles à une statue de cire du musée Grévin – très correct, très stérile, très peu toi.

 

Guillaume :

Je voulais ressembler à un leader visionnaire.

Et là, j’ai l’air d’un élève royal qui attend sa première diplomatique… et l’autorisation de faire coucou.

Comment on salue correctement en tant que Grand-Duc ?

 

Henri :

Ah, mon fils… c’est tout un art.

Tu dois apprendre à saluer – ni trop, ni trop peu.

Comme un essuie-glace en mode intermittent.

La main bouge rythmiquement comme un pendule diplomatique – très discret, très maîtrisé.

La main reste haute, les doigts légèrement écartés – comme si tu distribuais des bonbons imaginaires, mais symboliquement.

Le corps reste calme, presque immobile.

La main travaille, le visage reste diplomatique – comme il faut.

▲ Portait paint du futur grand-duc.
▲ Portait paint du futur grand-duc.

Guillaume :

Et comment je ris en tant que Grand-Duc ?

 

Henri :

En tant que monarque, tu ne ris pas – tu esquisses un sourire, mais avec gravité.

Pas comme un clown, mais comme quelqu’un qui dirige la symbolique avec un sourire doux.

Les lèvres légèrement relevées, les yeux neutres.

Comme si tu approuvais la réforme fiscale – sans la comprendre.

S’il y a une caméra, tu entrouvres la bouche – comme si tes dents recevaient une audience.

En famille, le rire peut être un peu plus spontané – mais toujours contrôlé, évidemment.

 

Guillaume :

Et mon rôle de Grand-Duc ? Qu’est-ce qui m’attend ?

 

Henri :

Tu es désormais un symbole.

Une figure humaine avec un cadre doré.

Et selon les sondages, 69 % sont très satisfaits.

Plus que de la réforme des retraites.

 

Guillaume :

69 % ? C’est presque autant que les kilos que le tôlier a effacés sur la pièce.

 

Henri :

Guillaume voyons… ce n’est pas un tôlier, c’est un graveur !

On parle ici de numismatique, pas de pièces détachées.

Tu n’es plus juste le fils d’Henri – tu es le Prince sur la pièce.

Ton grand-père était le Jean du franc.

 

Guillaume :

Alors je suis le Grand-Duc de tous les supermarchés – le Grand-Duc du Caddyland!

Le Prince sur la pièce! Ready pour le caddie! L’icône de la prospérité!

Dis Papa, sur le tableau que Schauls a peint de moi j’ai encore plus maigri que je ne le pensais.

 

Henri :

C’est de l’art, Guillaume… ou plutôt une interprétation artistique.

La réalité est trop complexe pour être expliquée en trois phrases – même avec un accent diplomatique et un sourire doux.

Schauls ne t’a pas peint – il t’a stylisé.

Un Grand-Duc avec une touche de Venise et un soupçon de mélancolie d’État.

 

Guillaume :

On dirait le capitaine du Marie-Astrid, qui n’a rien avalé depuis trois visites d’État – sauf des mini-croissants.

Où est mon ventre ? Où sont mes joues ?

Comment suis-je censé représenter la prospérité luxembourgeoise comme ça ?

 

Henri :

Le peuple a déjà dit : « Ce n’est pas Guillaume, c’est sa version diététique sur acrylique.»

Mais ça fait partie du jeu.

La monarchie est une performance – comme le théâtre, mais avec plus de protocole.

 

Guillaume :

Si c’est mon portrait, il faudrait écrire dessus:

« Réalité non garantie – retouchée selon le souhait de maman. »

Alors, que penses-tu du portrait photographique officiel de moi, celui qui va être accroché dans chaque commune, ministère et lycée?

J’ai rentré le ventre pour la photo, comme maman me l’a conseillé.

Et j’ai montré un peu les dents, comme tu me l’avais suggéré.

 

Henri :

La photo est correcte, Gui-Gui.

Mes portraits vont être décrochés et archivés – entre Jean et Félix.

On trouvera peut-être une photo de moi bientôt au marché aux puces – à côté du portrait de maman dans un caddie d’occasion.

N’oublie pas : les portraits sont comme les pièces – ils circulent, ils disparaissent, ils sont remplacés.

Tu es désormais en circulation.

 

Guillaume :

Je ne suis donc plus juste le fils d’Henri – je suis l’homme sur le mur.

La tête dans le caddie. La pièce dans le porte-monnaie. Le portrait à l’accueil.

▲ Le ventre rentré – en route ! Henri file vers les archives de la dynastie.
▲ Le ventre rentré – en route ! Henri file vers les archives de la dynastie.

Le peuple lève les yeux. Les portraits s’accrochent. La dynastie esquisse un sourire.

Le ventre a été rentré. La ceinture resserrée.

L’avenir ? Il est encadré.

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