Le ministre des Finances Gilles Roth (CSV) a déclaré dans une interview estivale avec le magazine Télécran une phrase aussi lisse que sa voiture de fonction: «La pauvreté est inacceptable pour moi.» Bravo, Gilles. Le monde attendait ce moment. La lutte contre la pauvreté est résolue – en une phrase.

Mais quelque part, on peut comprendre le ministre. Avec un salaire ministériel de 18.000€ par mois – indexé, bien entendu – plus 3.200€ de prime de représentation – non imposable – voiture de fonction et protection personnelle, c’est clair: la pauvreté n’est pas seulement «inacceptable» pour lui – elle n’est tout simplement pas prévue dans son monde. C’est pourquoi l’accent dans la phrase de Gilles Roth est bien sur «pour moi»: «La pauvreté est inacceptable pour moi». Avec un package mensuel que beaucoup ne réunissent même pas en un an, la pauvreté est pour le ministre aussi réaliste qu’une colocation de bénéficiaires du Revis à Belair.

125.000 personnes vivent au Luxembourg au seuil ou en dessous du seuil de pauvreté. Cela représente 1 sur 5 – dans le pays le plus riche du monde. Ce qui place le Luxembourg en tête de la Grande Région. Ces personnes n’ont ni chauffeur ni prime, tout au plus un rendez-vous au bureau de l’aide sociale.

Le nouveau Luc a déclaré dans son discours sur l’état de la nation que la crise du logement était terminée. Et la pauvreté aussi serait en train de se dissiper dans l’air, a-t-il expliqué à la nation. Caritas avait tiré la sonnette d’alarme, puis a implosé peu après. Le gouvernement a rapidement sorti un remplaçant du chapeau «HUT», peuplé de gens qui mangent dans la main de l’État.

«La pauvreté est inacceptable» sonne comme une ligne de programme électoral du CSV. Mais tant que la politique n’est pas prête à s’attaquer au problème à la racine – fiscalité, marché du logement, pauvreté infantile – cela reste une phrase.

Une belle phrase.

Une phrase qui sonne bien, mais ne change rien.

Une phrase avec voiture de fonction, place de parking, et zéro conséquence.