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Fusil mitrailleur au lieu de chapelet

La nouvelle liturgie nationale

Le 13 juillet 2025, selon le Luxemburger Wort, près de 17.000 fidèles ont fait pèlerinage à la journée portes ouvertes de l’armée luxembourgeoise – plus qu’à l’Octave, le célèbre pèlerinage vers la Vierge Marie, ou à la procession dansante d’Echternach réunies. Une nouvelle forme de religiosité populaire – simplement avec des fusils mitrailleurs au lieu de chapelets. La guerre est devenue affaire de foi, mise en scène sur le Herrenberg, entre fête populaire et exposition d’armes.

Le pape Urbain II avait déjà inventé, il y a 900 ans, le premier slogan RP pour pèlerinages armés sous licence divine: «Deus vult». Aujourd’hui, c’est le général Thull qui reprend le flambeau avec son mantra: «Le Luxembourg doit devenir plus résilient». En clair: cap sur la guerre.

600 soldats pour remplacer les disparus

Mais qu’est-ce qui pousse 17.000 personnes un dimanche à caresser des tanks? Un goût pour l’aventure? Une fuite en camouflage vers un monde plus excitant? Un peu de guerre, un peu de kermesse?

«Nous devons rendre ce pays résilient», déclare le général Steve Thull à RTL [insérer lien]. «Si nous tombons dans une situation de guerre, il faut une population qui soutienne les efforts de nos soldats. Une population consciente, qui agit, et non pas qui renonce et s’enfuit – ce serait la pire des choses. Car pour qui les soldats meurent-ils sur le front?»

Et plus loin: «Quand on doit remplacer des soldats au front, il faut aussi du remplacement à l’arrière. Pour conquérir un pays, il faut des gens derrière, prêts à avancer sur le champ de bataille.» Bref: qui tombe est remplacé. Un système de rechange garanti par la mort. C’est pourquoi 600 nouveaux soldats sont activement recherchés – comme un programme d’échange pour futurs disparus.

Faire avaler la guerre comme un devoir civique

Or, lors de la porte ouverte, on n’a pas mis la mort en avant – mais la Mettwurscht grillée, le fusil mitrailleur et l’ambiance festive. La résilience à portée de selfie – du moment que le cadrage est bon. L’objectif? Faire passer la douleur, le carnage et le meurtre pour une fascination technologique.

▲La ministre de la Guerre, Yuriko Backes, dans une robe d’été colorée, arborant un large sourire tout en brandissant un fusil mitrailleur.
▲La ministre de la Guerre, Yuriko Backes, dans une robe d’été colorée, arborant un large sourire tout en brandissant un fusil mitrailleur.

La ministre de la Défense, Mme Backes, rayonne avec son fusil comme lors d’un lancement produit sur l’Allée Scheffer à la Schueberfouer: «Ce modèle existe aussi en version camouflage – désormais avec fonction Résilience intégrée!»

Et au milieu: petit Svenni du Parti Pirate. Habillé comme pour un gala à la Philharmonie, costume cintré, boutons de manchette, sourire jusqu’aux oreilles devant son arme. Enfant, il n’avait jamais le droit de jouer aux voleurs et aux gendarmes – aujourd’hui, il rattrape tout et s’invite à la table des grands jouets de guerre. Il est particulièrement fier de son mandat à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN.

▲Le petit pirate Svenni n’a jamais eu le droit de jouer aux voleurs et aux gendarmes quand il était enfant. Aujourd’hui, il rattrape tout – et rayonne jusqu’aux deux oreilles. Il est désormais membre de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN.
▲Le petit pirate Svenni n’a jamais eu le droit de jouer aux voleurs et aux gendarmes quand il était enfant. Aujourd’hui, il rattrape tout – et rayonne jusqu’aux deux oreilles. Il est désormais membre de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN.

Pendant ce temps, le ministre des Affaires étrangères pose comme modèle de propagande pour la nouvelle campagne de résilience. Posture Power-Pose classique, debout sur un tank. Politiques, généraux et figurines d’action adoptent tous la même position. Xavier conquiert le Herrenberg.

Puis vient la photo avec jumelles de vision nocturne. L’attitude de Bettel semble vaguement intéressée mais franchement maladroite. Son bras tendu vers l’inconnu rappelle les participants d’un escape room. Voilà à quoi ressemble la résilience quand on a perdu le mode d'emploi.

▲Le chef de la diplomatie luxembourgeoise, Xavier Bettel. Mais aujourd’hui, la diplomatie ne joue plus aucun rôle. Ce qui compte, c’est d’enthousiasmer le peuple pour la guerre.
▲Le chef de la diplomatie luxembourgeoise, Xavier Bettel. Mais aujourd’hui, la diplomatie ne joue plus aucun rôle. Ce qui compte, c’est d’enthousiasmer le peuple pour la guerre.

Sur la photo de couverture de sa page Facebook, le ministre Bettel se met en scène en penseur pacifiste: debout devant la sculpture The Knotted Gun, visage grave, posture contemplative – presque un moine d’État en mission de paix. Mais deux scrolls plus bas, la posture se fissure. Il publie fièrement ses photos devant les blindés du Herrenberg. Non-violence pour le titre – esthétique guerrière pour les clics.

▲Capture d’écran de la page Facebook de Xavier Bettel. Photo de couverture: The Knotted Gun, une sculpture symbolisant la non-violence et la paix. Deux scrolls plus bas: Xavier Bettel publie fièrement ses photos du spectacle militaire sur le Herrenberg.
▲Capture d’écran de la page Facebook de Xavier Bettel. Photo de couverture: The Knotted Gun, une sculpture symbolisant la non-violence et la paix. Deux scrolls plus bas: Xavier Bettel publie fièrement ses photos du spectacle militaire sur le Herrenberg.

Résilience et Mettwurscht – le cocktail patriotique

Le mot «résilience» est aujourd’hui partout – et surtout dans le jargon militaire. Le général Thull en appelle ainsi à la population: «Le Luxembourg doit devenir plus résilient.» Mais qui comprend vraiment ce qu’il veut dire?

Le mot vient du latin re- (retour) et salire (sauter) – donc la capacité à répondre à la pression sans casser. Ou encore: l’art de rebondir avec souplesse… vers l’uniforme. À ne pas confondre avec la procession d’Echternach, où l’on saute deux pas en avant et un pas en arrière – mais sans filet de camouflage ni sac à dos tactique.

Quand le général parle de résilience aujourd’hui, il utilise un mot camouflage pour dire: capacité de défense, aptitude au combat. Celui qui est résilient ne revient pas en arrière – il saute droit dans l’uniforme, direction le front. Un pas, un autre – résilience. Pas de questions, juste marcher. Prêt à servir – ou à être remplacé.

Et comme la résilience commence dans la tête, l’armée a organisé sa journée portes ouvertes sur le site de la caserne Grand-Duc Jean pour convaincre les visiteurs, entre fumée de saucisse et photos avec blindés, que la résilience n’est pas une contrainte, mais un vrai plaisir – du moment que le barbecue tourne et que les selfies sont réussis.

Ainsi, le peuple luxembourgeois n’a pas marché vers la cathédrale le 13 juillet – mais vers les canons. La messe était un spectacle RP. Les hosties étaient des Mettwurscht grillées. Les ministres ont posé comme des mannequins de guerre. Les citoyens ont applaudi comme à un festival open-air.

Et pendant que Xavier Bettel méditait encore devant le revolver noué, il se mettait déjà en scène plus bas – tel un pilote de tank. La résilience était le mot magique. Un mot camouflage, labellisé RP, assez doux pour le citoyen, assez dur pour l’ordre de marche.

En résumé: Prêt à poser. Prêt à marcher. Prêt à être remplacé.

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