Une affaire en or pour l’industrie d’armement américaine
L'ordre du jour du sommet de l’OTAN, qui s’est tenu les 24 et 25 juin à La Haye, tenait sur un dessous de verre. Un seul point à l’agenda: faire passer les dépenses de défense de 2% à 5% du PIB. Et pour éviter que le président américain, comme lors du G7 au Canada, ne quitte précipitamment les lieux, le programme initialement prévu sur deux jours a été compressé en deux heures et demie.
Par crainte d’irriter le président américain Donald Trump, les pays membres de l’OTAN ont approuvé sans broncher cette hausse de 5%. Personne n’a osé émettre la moindre objection, encore moins s’y opposer.
«On voulait juste éviter qu’il claque la porte en boudant», a murmuré Xavier Bettel dans le micro de RTL, comme s’il parlait d’un enfant grognon à une fête d’anniversaire — et non du commandant en chef de la plus puissante armée du monde.
Et pour éviter que le président américain, comme lors du G7 au Canada, ne quitte précipitamment les lieux, le programme initialement prévu sur deux jours a été compressé en deux heures et demie. À 11h30 pétantes, sous les ors démocratiques et les sourires crispés, s’ouvrait le sommet le plus expéditif de l’histoire de l’Alliance, digne d’un speed dating diplomatique. À 14h30, le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, tenait déjà sa conférence de presse. Voilà la conception du leadership selon le «dealmaker» autoproclamé.
Et pour garantir que ces deux heures et demie se déroulent sans accrocs, les membres de l’Alliance avaient déjà donné leur feu vert avant le sommet à l’augmentation de la contribution exigée par Donald Trump — 5% du PIB, sans condition.
Rutte: «L’Europe paiera un prix élevé — comme il se doit.»
Rutte, secrétaire général de rang mais dans les faits simple messager de Trump, tapota pieusement son message de victoire dans son téléphone: «Donald, l’Europe t’a obéi. Les tributs affluent. C’est ton heure de gloire.»
Il écrivit littéralement: «Ce soir, un nouveau grand succès t’attend à La Haye. Ça n’a pas été facile, mais nous avons obtenu l’accord unanime pour les 5%! Donald, tu nous as menés à un moment très, très important pour l’Amérique, l’Europe et le monde entier. Tu accompliras ce qu’aucun président américain n’a réussi depuis des décennies. L’Europe paiera un prix élevé, comme il se doit, et ce sera ta victoire.»
Une capture d’écran de cette révérence numérique fit aussitôt son entrée triomphale sur la scène préférée du président: son réseau social Truth Social, véritable chapelle de l’ego présidentiel.

Des mots étonnants, surtout venant d’un homme qui fut longtemps Premier ministre des Pays-Bas. «L’Europe paiera un prix élevé» — voilà des propos que l’on réserve à ses ennemis, non à ses alliés.
l’industrie d’armement américaine - le grand gagnant
En 2023, l’industrie de défense américaine carburait à près de mille milliards de dollars — soit l’équivalent du PIB de quatre pays de l’OTAN de taille moyenne ou, pour se représenter la chose concrètement, environ 238 millions d’obus de char à l’unité.
Il est évident que l’industrie américaine tirera le plus grand bénéfice de cette hausse des dépenses militaires de 2% à 5% du PIB, car:
✔︎ Les États-Unis dominent le marché des systèmes d’armes high-tech,
✔︎ De nombreux standards de l’OTAN reposent sur la technologie américaine,
✔︎ Et les pays européens manquent souvent de capacités de production propres.
Chaque point de pourcentage arraché au PIB est un ruban doré offert à Lockheed Martin, et un nœud coulant budgétaire autour des écoles publiques. Plus l’Europe paie, plus les caisses de l’armement américain résonnent. En résumé: «America first».
De 780 millions à 1,2 milliard — provisoirement
Le passage à 5% du PIB pour les dépenses militaires implique une vaste redistribution des finances publiques pour les pays européens. Ce tableau montre la contribution des différents États membres de l’OTAN:
Pour le Luxembourg, la situation est encore plus complexe. Bien que l’ex-ministre écologique de la guerre, Bausche Fränz, ait négocié lors du sommet de Vilnius en 2023 une exception calculant les 2% non pas sur le PIB, mais sur le RNB (revenu national brut), le pays peine déjà à atteindre ce seuil. À l’heure actuelle, la contribution luxembourgeoise à l’OTAN s’élève à seulement 1,29% de son RNB. Pour faire plaisir au président américain, le nouveau Luc proclama dans son discours sur l’état de la Nation, le 13 mai 2025, que les 2% seraient bientôt atteints.
Le budget militaire grimpe en flèche, porté par une logique implacable: à menace imaginaire, réponse budgétaire colossale. En clair: les dépenses militaires passeraient de 780 millions d’euros à 1,2 milliard — uniquement pour atteindre l’ancien objectif des 2%. Dans un élan participatif sans précédent, le peuple luxembourgeois est cordialement invité à sponsoriser son propre désarmement social, en contribuant joyeusement à l’achat de missiles stratégiques à la découpe. Et le petit demi-milliard manquant? Facile: le peuple pourra souscrire à un emprunt national. Ironie? Non. Réalisme teinté d’humour noir.
Dans son allocution, le nouveau Luc précisa qu’il n’y aurait ni coupes dans le social, ni hausse d’impôts, mais plutôt l’émission d’un emprunt d’État réservé aux particuliers.
3 milliards, 4,2 milliards…
Bien que le nouveau Luc ait su dès janvier 2025 que 2% ne suffiraient pas — Trump ayant officiellement exigé 5 % dès son retour au pouvoir — il continua à vanter les 2%, la préservation du modèle social et l’emprunt citoyen. Peut-être espérait-il secrètement un revirement de Trump… mais c’était mal connaître l’aubergiste.
Un simple calcul de règle de trois lève le doute: si 2% du RNB correspondent à 1,2 milliard, alors 5% s’élèvent à 3 milliards. Par an! Il manque donc encore 1,8 milliard d’euros pour atteindre les fameux 5%.
Et ce n’est que la moitié de l’histoire. Ces 3 milliards sont basés sur la situation actuelle. Or, le RNB (comme le PIB) est un chiffre mobile, influencé par la croissance économique. D’ici 2035 — date officielle d’entrée en vigueur du seuil de 5% selon la décision de l’OTAN — les 3 milliards auront logiquement gonflé.
Avec une croissance annuelle estimée à 3,5 % (prévision conservatrice), le RNB croîtra d’autant. En clair: on arrivera à 4,23 milliards d’euros.
Réaffectations budgétaires?
Grâce à une croissance annuelle de 3,5% et à une inflation morale tout aussi régulière, le budget défense atteindra d’ici 2035 des sommets comparables à une altitude où l’oxygène budgétaire devient rare pour les hôpitaux et les crèches.
Cela ne changera rien au fait qu’il manquera toujours 3 milliards pour satisfaire la cible OTAN des 5% du RNB. Des bouleversements budgétaires majeurs seront inévitables — et il ne serait guère surprenant que Luc, fidèle à sa pédagogie douce, explique bientôt au peuple qu’il faudra se serrer la ceinture pour acheter des armes… puisque, cela va sans dire, «les Russes» sont déjà sur le pas de la porte.
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