Rebranding de surface, contenu en boucle – la politique en mode replay
Après les réunions avec les syndicats les 9 et 14 juillet, et le barbecue CSV du 10 juillet, beaucoup se posent la question: qu’y a-t-il vraiment de neuf chez le nouveau Luc? Luxembourg Jungle s’est penché sur cette brûlante interrogation – et a découvert un phénomène qui ne surprendra pas grand monde: Luc joue le rôle du «nouveau Luc», mais la pièce reste celle d’avant 2014. Nouveau décor, vieux scénario.
Pendant 15 ans, Luc Frieden fut un ministre fidèle sous le Premier Jean-Claude Juncker. Il avait la réputation d’un technocrate froid, avec une relation particulière au budget. En matière de politique sociale, il faisait pâle figure. Son style évoquait une calculatrice à laquelle il manque les chiffres après la virgule: brutale, imprécise, sans nuance et sans le moindre réglage social.
Après sa défaite électorale en 2013, il céda en 2014 son mandat parlementaire au suivant sur la liste, avec cette justification: «Le rôle d’un opposant politique ne correspond pas à mes traits de caractère.» Luc est né pour jouer le premier violon – et il préfère décider lui-même quand le public doit applaudir.
Escale dans le labyrinthe financier londonien et l’ère du cumul de mandats dans les conseils d’administration
Ensuite, il fit une apparition chez la Deutsche Bank à Londres en tant que Vice Chairman. Dix-huit mois plus tard, le flirt était terminé, et Luc rentra à la maison. On dit: Business Class pour l’aller, retour en Economy. Le bilan? Plutôt maigre.
Dans les années qui suivirent son retour, Luc Frieden collectionna les postes dans les conseils d’administration comme d’autres les autocollants Panini:
- BIL : Président du conseil – de l’Émirat du Qatar à la République populaire, toujours avec la poignée de main adéquate
- Luxemburger Wort (Saint-Paul): Président du conseil – le groupe fut vendu au groupe belge Mediahuis. Plus de 500 personnes ont perdu leur emploi.
- Chambre de Commerce & Eurochambres: Lobbyisme économique en costume, avec la pochette d’invitation bien en main
- Université de Saint-Gall: Professeur invité – l’un de ses séminaires aurait été consacré aux techniques de manipulation de l’index, présentées comme une œuvre de poésie économique
- Cabinet d'avocats Elvinger-Hoss-Prussen: Retour au droit – car la pluie de mandats ne suffisait pas à garantir une vie digne
Le nouveau Luc – Le rebranding comme mise en scène
Quand le CSV l’a désigné comme tête de liste en 2023, le «nouveau Luc» est né. Il sourit. Il cuisine. Il rend visite aux gens. Sa femme s’enthousiasme: «Quiconque connaît Luc voit en lui une personne bien différente de celle qu’on ne connaît que de loin.»
Mais le nouveau Luc contredit le nouveau Luc – dans une interview accordée à RTL: «Dans les grands principes, les valeurs, l’orientation politique – pour une société offrant un climat favorable au monde des affaires qui sert aussi la politique sociale – c’est moi. J’y adhérais à l’époque, j’y adhère aujourd’hui. Il faut adapter ces principes à leur époque. Ce n’est pas comme si j’étais aujourd’hui fondamentalement différent. En ce sens, c’est un produit qui s’adapte à son temps, sans jeter le produit par-dessus bord – ce n’est d’ailleurs pas possible.» Une phrase digne d’un catalogue IKEA: nouveau design, vieilles vis, même mode d’emploi.
Ce que le produit «Luc Classic – Édition 1998–2013» savait faire
Liste des ingrédients pour une politique d’austérité du vieux Luc:
Que propose le nouveau Luc dans sa version Premier?
Maintenant que Luc Frieden est Premier ministre, les portes semblent grandes ouvertes:
- Âge de la retraite? Pourquoi pas 70 – ça conserve la jeunesse.
- Temps de travail? La flexibilité comme style de vie – 12 mois de disponibilité plus service dominical.
- Négociations collectives? Syndicats? Trop revendicatifs – des délégués câlins devraient prendre le relais.
- Horaires d’ouverture des commerces? De 6h00 à 22h00 – les syndicats vont apprendre à aimer les heures sup.
Moderne, efficace, néolibéral avec un autocollant smiley. Voilà le nouveau Luc – exactement le même qu’avant.
La liste parle d’elle-même: 17 mesures mises en œuvre, 4 projets échoués. Quiconque s’attend à ce que le «nouveau Luc» soit un «bâtisseur de ponts» – comme il se décrit lui-même – devrait savoir que Luc Frieden vérifie l’index social à chaque poignée de main. Et agit en conséquence, jusqu’à ce que nous soyons tous bien pressés comme un citron.
Le dialogue social part en vacances
Dans une interview accordée à L’essentiel le 21 juillet 2025, l’ancien Premier ministre et inventeur du «mur des pensions» (Rentenmauer), Jean-Claude Juncker, n’a pas seulement critiqué la méthode de négociation de Luc Frieden, mais aussi l’état général du dialogue social sous son gouvernement. Qu’il s’agisse du temps de travail, du travail dominical ou des horaires d’ouverture des commerces: le style de négociation du nouveau Luc évoque plutôt un GPS dans un tunnel – aucun signal, aucune direction, mais le système insiste: «Faites demi-tour dès que possible.»
Pour Luc, les deux dernières réunions avec les syndicats ont ont frôlé l’overdose de dialogue social. Il a donc décidé de reporter stratégiquement le dialogue social à l’automne. La pause estivale est annoncée – pour les syndicats, le gouvernement et les nerfs collectifs. Pendant que le pays passe en mode vacances, le Premier ministre espère que les esprits de population se détendront collectivement sur la plage. Et qui sait: peut-être que la colère populaire s’évaporera avec le dernier vol low-cost vers le sud.
Luc reviendra bronzé à l’automne, avec un nouvel élan et avec les mêmes arguments qu’avant les vacances. Cette fois, simplement en tongs.
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