Comment l’histoire est documentée puis ensevelie à Burmerange
Non loin de la souris en bronze Maus Ketti, qui lève le doigt pour inciter à la réflexion, des archéologues fouillent la boue. Ils découvrent une villa romaine avec bains, chauffage et four à chaux. Et 126 tombes mérovingiennes avec armes, bijoux et cercueils en bois. Une découverte «spectaculaire», selon l’INRA (Institut national de recherches archéologiques).
Mais à Burmerange, on ne fait pas que fouiller. On rebouche aussi. Immédiatement. Cela s’appelle «archéologie préventive» – la science de l’empêchement. L’art de sauver l’histoire pour ne pas avoir à la sauver. Ce n’est pas l’histoire qu’on préserve, mais l’arrêt du chantier. L’archéologie préventive: on fouille, on photographie, on classe – puis on recouvre. L’histoire est ensevelie, parce qu’elle gêne. Treize maisons doivent être construites ici.
Évidemment, la villa romaine ne fait pas partie du «patrimoine luxembourgeois». Elle date d’avant 1867 – donc avant le traité de Londres, avant même que le Grand-Duché existe, avant l’ère de la commission des bâtisses. Tout ce qui est plus ancien que la nation est, au mieux, un sol décoratif. Les Mérovingiens avec leurs tombes et leurs armes? Une élite belliqueuse, aujourd’hui jugée «non intégrable». Leurs squelettes, épées, lances et poignards ne sont pas compatibles avec ce qui est prévu «Op der Uet».
L'archéologie préventive – un peu comme la «nature temporaire»: on protège, mais pas trop longtemps.
À l’INRA, on se dit «ému», mais la loi sur l’archéologie préventive est appliquée à la lettre.
La Maus Ketti reste silencieuse à côté. Elle en a vu, des enfants, des histoires, des monuments. Mais autant d’histoire à la fois – c’est trop pour son horizon. Heureusement, elle est en bronze. Elle ne parle pas. Elle ne gêne pas. Elle s’intègre parfaitement au plan d’aménagement.
Au Luxembourg, nous avons suffisamment de patrimoine culturel. Nous pouvons nous permettre d’en enterrer un peu.
En France, on transformerait la villa en musée. En Allemagne, on déposerait une demande à l’UNESCO. En Belgique, on lancerait un projet européen avec signalétique bilingue. Au Luxembourg, on fait de la place. Pour le logement. Pour la croissance. Et pour Ketti, qui regarde calmement l’histoire se faire ensevelir.
Car le patrimoine est important – tant qu’il ne gêne pas. L’histoire est précieuse – tant qu’elle ne coûte pas plus cher que le mètre carré.
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