La calculette comme boussole politique
25 000 personnes protestent, pendant que le nouveau Luc annonce 99,9% d’approbation. Cette satire fait les comptes – et règle les comptes. Elle montre comment, au CSV, la politique devient un exercice de calcul auquel le peuple ne parvient plus à participer.
Ce mardi matin 1er juillet 2025, Luc Frieden, en pleine forme et fidèle à sa rhétorique de PDG, déclare à la presse luxembourgeoise: «Sur 99,9 % des sujets, nous sommes d'accord au CSV.» Seul point restant à discuter: le travail dominical. Autant dire que le menu est imprimé, mais qu’on a oublié le plat principal.
Cette déclaration intervient trois jours à peine après la plus grande manifestation syndicale depuis des décennies: plus de 25.000 personnes ont exprimé leur opposition claire et bruyante à la politique de Luc Frieden. On appelle ça sans doute une vision de la réalité à géométrie très variable.
La nouvelle logique gouvernementale: réalité en pourcentage
Désormais, le raisonnement à Luxembourg suit cette formule :
🟢 25.000 manifestants → bruit de fond ambiant
🟢 99,9 % d’approbation interne → mandat légitimé démocratiquement
🟢 Critique des réformes, recalculée via l’indice d’harmonie interne du parti → tout est en ordre
La politique façon Frieden: Ce qui crie dehors devient inaudible à l’intérieur. Et ceux qui comptent dehors sont ignorés dedans – tant que dedans, on applaudit. Tout ce qui ne cadre pas avec la version CSV est automatiquement écarté de l’équation.
Réforme des retraites? Cinq années de travail en plus, pour recevoir moins à la fin.
Travail dominical? Un cadeau pour les patrons – peut-être bientôt accompagné d’un petit bonus sur les jours fériés.
Droit de manifester? Réformable – comme l’État social.
Et que le seul point de désaccord interne au CSV soit l’extension du travail du dimanche, c’est soit une annonce contrôlée pour calmer le jeu, soit un euphémisme sincère pour dire: «La résistance est inutile – mais le débat est bienvenu.»
Luc & Fritz: Unis dans l’éloignement du peuple
Peu après sa déclaration, Luc Frieden se rend à Berlin pour rencontrer le chancelier allemand Friedrich Merz. L’un gouverne comme un PDG, l’autre aussi. Et comme Luc, Merz a perdu dix points dans les sondages et plafonne désormais à 25% de soutien. On se demande si la réunion sera un exercice de dialogue social – ou simplement un échange courtois de chiffres à enjoliver.
Il y a deux semaines, le Luxemburger Wort titrait: «Frieden chute dans l’opinion publique.»
Selon le Politbaromètre d’ILRES, son taux d’approbation a chuté à 55%, et sa cote de sympathie à 47%. Dans le classement des personnalités politiques les plus populaires, il atteint tout juste la 8ᵉ place – derrière les représentants d’autres partis. Presque unanime dans son parti, quasiment rejeté dans le pays.
Quand un parti est uni à 99,9%, alors que 78% des citoyens se lèvent contre la politique du Premier ministre, ce n’est plus de la stabilité. C’est du solipsisme statistique.
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