Rouge sang sur pierre sacrée
Clervaux, 1899. Un monument est érigé pour commémorer le glorieux moment où, en 1798, quelque 2000 paysans, armés de fourches, de faux et de gourdins, se sont levés pour renverser l’ordre révolutionnaire français et rétablir l’ancien ordre religieux sur son piédestal. La « guerre des gourdins » était née – et s’est arrêtée dix kilomètres plus loin, à Hosingen. Une campagne avec des ambitions spirituelles, mais des limites logistiques.
En haut du monument : «Christus vincit» (le Christ vaincra), fraîchement repeint – en rouge sang, comme si l’Église ne gagnait pas seulement la bataille spirituellement, mais aussi visuellement. En bas : un verset biblique glorifiant la mort au combat comme un sacrifice sacré. Lui aussi – bien sûr – en rouge sang.
La symbolique ? Explicite.
Le message ? Explosif.
Une lectrice nous écrit : «Parfaitement dans l’air du temps – guerre, carnage et exclusion.» Nous répondons: entretien du monument à coups de pinceau et de pathos. Pourquoi pas une guillotine comme socle, tant qu’on y est?
Mais la question demeure : qui gagne vraiment ici? Le Christ, qui n’a jamais mené de bataille sanglante? Les peintres du monument, qui réinterprètent l’histoire à coups de pinceau? Ou l’idée qu’on peut affronter la modernité à coups de gourdin – et en être récompensé par une stèle?

Et c’est là que surgit un parallèle frappant avec aujourd’hui:
- En 1798, c’était le combat contre la révolution et le changement. Aujourd’hui, les figures ennemies ont changé – le gourdin est resté.
- À l’époque, c’était l’Église qui définissait l’ennemi. Aujourd’hui, ce sont les think tanks, les politiciens et les lobbyistes de l’armement.
- L’ennemi a toujours un nom: Russie, Chine, Islam, Juifs, migrants, non-croyants – ou simplement: les autres.
La glorification de la mort, déguisée en monument – avec peinture rouge et versets bibliques.
Le message est clair : «Résilience», «capacité à faire la guerre», «accepter les pertes» – cela sonne comme une version moderne du verset des Maccabées. Mais celui qui cite les Maccabées ne devrait pas oublier que le héros meurt à la fin.
Et peut-être est-ce justement là le point : Les héros qui perdent obtiennent un piédestal. Les vainqueurs écrivent le texte pour la plaque en granit.

▲ «Mieux vaut mourir au combat que de voir le malheur de notre peuple et de notre sanctuaire.» - Premier livre des Maccabées (1 Macc 3,59). Tiré de l’Ancien Testament, gravé sur le socle du monument.
La bataille d’Elasa fut sanglante. Celle des gourdins aussi. À Clervaux, il y a désormais un monument qui a plus de peinture que de compréhension historique – et qui nous transmet aujourd’hui encore l’idée qu’il faut avancer dans le monde, gourdin idéologique à la main, à la recherche d’un nouvel «ennemi».
Vous trouverez plus d’informations sur la guerre des gourdins via les liens suivants sur le site de l’Université du Luxembourg :
●https://orbilu.uni.lu/bitstream/10993/50203/1/20220205_Falsification_ADR_Kleppelkrich.pdf
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