Quand l’UEL voulait remonter le temps de 100 ans
Le 11 septembre 2025 restera comme une date marquante dans l’histoire du mouvement ouvrier luxembourgeois. La fédération patronale UEL semble bien décidée à remonter le temps d’un siècle. RTL l’a annoncé: la durée du travail pourrait bientôt atteindre 52 heures par semaine.
Grâce à l’exploit mathématique du président du LCGB, Patrick Dury, les plans de l’UEL ont pu être décodés à temps. Une simple équation, basée sur les revendications patronales d’une période de référence annuelle pour le calcul du temps de travail, combinée à une réduction des temps de repos, permet d’aboutir à la formule suivante:
Flexibilité maximale + moins de repos = 52 heures de boulot
C’est clair: plus le repos diminue, plus le travail augmente.
Mais dès le lendemain, l’UEL publiait un démenti. Un démenti qui ressemblait à celui d’un enfant pris la bouche pleine de chocolat, jurant n’avoir jamais touché au gâteau.
«Nous n’avons jamais demandé la semaine de 52 heures!» Bien sûr que non. Quelle idée saugrenue. L’UEL ne demande pas – elle prend simplement ce dont elle a besoin, sans détour.
Toutes ces discussions autour de l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, de la réduction du temps de travail ou le désir de plus de loisir sont depuis longtemps une épine dans le pied du président de l’UEL, Michel Reckinger. Lui, dans ses loisirs, préfère aller à la pêche – et il tient à sa tranquillité. Imaginez un instant que les gens ordinaires aient plus de temps libre: ce serait la fin du calme au bord de l’eau, envahi par tous ceux qui devraient normalement être au boulot. Pas étonnant que Michel Reckinger soit ravi de n’avoir rien à voir avec l’aile sociale du CSV. Depuis 100 ans, le temps de travail ne fait que baisser. Et pourtant, tout avait si bien commencé – il y a justement 100 ans. Alors pourquoi ne pas revenir aux «bons vieux temps»?

Historique de la durée du travail au Luxembourg*
05/03/1928 | semaine de 48 heures (industrie) |
20/04/1962 | semaine de 44 heures (employés privés) |
09/12/1970 | semaine de 44 heures (ouvriers) |
12/11/1971 | semaine de 40 heures (employés privés) |
01/01/1975 | semaine de 40 heures (ouvriers) |
11/09/2025 | semaine de 52 heures pour tous (UEL) |
*Source : Chambre des salariés – https://www.csl.lu/app/uploads/2020/02/la-duree-du-travail-du-salarie-francais.pdf
Avec le vent dans les voiles, l’UEL et Michel Reckinger surfent sur la même longueur d’onde que le nouveau Luc. La loi sur les conventions collectives? Ils la jetteraient volontiers par-dessus bord. Le dialogue social? Perte totale. Les syndicats? Parasites inutiles, comme des corneilles sur un champ fraîchement semé. La solution? Des délégués bien dociles, prêts à manger dans la main du patronat, à la place de représentants syndicaux motivés et bien formés. Un plan si sournois que même Machiavel aurait applaudi. Dans son ouvrage Le Prince (1513), Machiavel offre aux dirigeants un manuel de conquête, de consolidation et d’expansion du pouvoir – sans se soucier de principes moraux. Mais hélas, le plan UEL-gouvernement n’a pas fonctionné. Le 28 juin 2025, le front syndical OGBL-LCGB a mobilisé plus de 25000 personnes pour montrer au nouveau Luc et à l’UEL que le démantèlement social ne passerait pas comme une lettre à la poste.
Michel Reckinger, qui avait annoncé en grande pompe une promenade forestière avec Luc Frieden le jour de la manifestation, a dû constater que la forêt était vide. Le Premier ministre a préféré rester chez lui, suivant le soulèvement du prolétariat via live-ticker. Ou peut-être pour profiter de son temps de repos – celui des ministres, bien entendu, n’est pas négociable.
Mais l’UEL et le gouvernement ne comptaient pas baisser les bras. Le 9 juillet 2025, dix jours après le soulèvement populaire, une réunion entre UEL, syndicats et gouvernement était organisée. Au programme: une mégasession de 14 heures, conçue comme un massacre culinaire, où les syndicats devaient mijoter jusqu’à devenir tendres.
Menu du jour:
- Entrée: réforme des pensions à la sauce Reckinger
- Plat principal: travail dominical et horaires d’ouverture prolongés, nappés de sauce néolibérale
- Dessert: semaine de 52 heures flambée
Le 10 juillet, lors de la fête populaire du CSV, le nouveau Luc s’est moqué des syndicats :
«J’ai essayé de les garder assez longtemps dans la salle pour qu’ils disent oui à tout. Ça n’a pas tout à fait marché, mais au moins ils sont restés. Et ça, je pense, c’est déjà une grande réussite. Mais ils avaient l’air épuisés. Ça veut dire qu’ils ne sont pas habitués aux heures sup’.»
Mais les syndicats sont restés fermes. Pas de dessert, pas d’accord. La révolution n’a pas été annulée – elle a simplement été reportée.
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