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Café de la Constitution – Entre vin de messe et articles de loi

Un dialogue satirique sur la foi, la loi et la logique de la culpabilité

Que se passe-t-il lorsque le cardinal Jean-Claude Hollerich rencontre son homonyme, le citoyen ordinaire Hubert Hollerich, au Café de la Constitution? Ce dialogue satirique dévoile les incohérences entre foi, droit et réalité sociale – avec humour, ironie et un brin de piquant.

▲ Le cardinal Hollerich et le citoyen Hubert Hollerich discutent au Café de la Constitution.
▲ Le cardinal Hollerich et le citoyen Hubert Hollerich discutent au Café de la Constitution.

Une table, deux verres, deux Hollerich, et une Constitution posée entre eux comme une carte de menu que chacun veut réécrire.

L’un avec son vin de messe, l’autre avec sa chope.

L’un avec ses dogmes, l’autre avec sa dialectique.

L’un avec la foi, l’autre avec la raison et la patience – car c’est toujours lui qui doit expliquer.


Hubert:
Jean-Claude, on est tous les deux des Hollerich, alors on peut se tutoyer, non
?
Je pense qu’avec un sujet pareil, la discussion ne doit pas être aussi solennelle qu’une messe dominicale.

Cardinal:
Je ne tutoie pas en mission cléricale, mais ici, au Café de la Constitution, les règles semblent différentes.

Hubert:
Exactement. Ici, on ne prie pas – on discute.
J’ai commandé une bière, parce qu’apparemment, le vin de messe et l’eau bénite rendent pieux.
Toi, ton vin de messe. Moi, ma chope. Et entre nous, une Constitution aussi interprétable que la Bible.
Tu as dit quoi sur RTL? «Un jour triste», non?

Cardinal:
Oh oui. Si l’avortement se retrouve dans la Constitution, ce sera un jour triste pour notre pays. La démocratie perdra son âme.

Hubert:
Triste pour qui? Pour l’industrie de l’hostie ou pour les femmes qui ne veulent plus vivre selon votre catalogue moral?

Cardinal:
On impose une opinion au peuple.

Hubert:
Tu dis «peuple», mais tu penses «femmes».
Et un droit n’est pas une obligation. Le droit à l’avortement ne signifie pas que chaque femme enceinte doit avorter.
Regarde: j’ai le droit de boire du crémant, mais je ne suis pas obligé d’en boire une bouteille chaque jour.
Ou bien tu as peur que toutes les femmes se ruent dans les cliniques avec un formulaire à la main?

Cardinal:
Oui, mais les médecins n’auront plus le droit de refuser l’avortement.

Hubert:
Et alors? Ça ne mange pas de pain.
C’est comme si la Constitution garantissait le droit à la musique, et que tu prétendais que chaque chanteur doit chanter la première voix de l’Ave Maria, même s’il ne veut pas ou ne peut pas.
Un droit n’est pas une obligation. C’est une possibilité, pas un dictat clérical.

Cardinal:
Si l’avortement devient un droit constitutionnel, alors la démocratie devient totalitaire. Les gens se radicalisent et glissent vers l’extrême droite.

Hubert:
Ah bon? Quelle théorie!
Mais quels gens, Jean-Claude?
Les femmes qui obtiennent un droit?
Ou les hommes qui paniquent quand les femmes obtiennent un droit?
Ou les médecins qui n’auront plus le droit de refuser?
Ou bien le clergé, qui ne se sent plus à l’aise parce que la Constitution n’a plus le goût de l’eau bénite?

Cardinal:
C’est une réaction sociale normale.

Hubert:
Une réaction sociale?
Jean-Claude, on dirait une fabrique d’église qui transforme la liberté en fanatisme – avec la peur comme produit principal et les dogmes comme emballage.
Un droit ne rend pas radical. Mais la peur du droit? Ça oui.

Cardinal:
Il s’agit de l’équilibre démocratique.

Hubert:
Et ça veut dire quoi, exactement?
Si une femme décide de ne pas être enceinte d’un amas de cellules, l’État perd l’équilibre?
La démocratie est-elle si fragile qu’elle vacille dès que les femmes refusent de vivre selon votre morale ecclésiastique?
Ou bien tu as juste peur que les femmes commencent à décider par elles-mêmes, sans confession et sans lever les yeux au ciel?

Cardinal:
La Constitution impose une opinion.

Hubert:
Impose? Je n’ai encore vu aucune loi qui m’oblige à tomber enceinte – et je n’ai même pas d’utérus.
Mais j’ai une opinion. Et elle ne m’est pas imposée, elle m’est accordée.

Cardinal:
Mais les gens ne se sentent plus représentés.

Hubert:
Lesquels? Les électeurs CSV?
Ou les libéraux qui ouvrent les fenêtres dès qu’ils sentent l’encens?
Les femmes qui votaient à gauche et qui, test de grossesse en main, marchent maintenant vers l’ADR?

Cardinal:
Il pourrait y avoir une vague.

Hubert:
Quelle vague, Jean-Claude?
Une vague de manifestantes avec des pancartes «Les droits humains tuent» ou «La cellule avant le Code civil»?
Je les vois déjà: une manif avec chapelet et échographie sur le drapeau – comme une procession religieuse qui promène la Constitution dans les rues comme un document sacré.

Cardinal:
Nous allons vivre une crise spirituelle.

Hubert:
Une crise spirituelle
? Moi, je parlerais plutôt d’une catastrophe sémantique.
La Constitution n’est pas le catéchisme, Jean-Claude.
La radicalisation ne vient pas du fait que les femmes obtiennent des droits – mais du fait que certains hommes ont peur de ne plus tout décider.
Quand les femmes obtiennent un droit, les hommes perdent leur orientation? C’est ça que tu veux dire
?
La Constitution n’est pas une machine à radicalisation – sauf si on l’utilise comme une arme morale.

Cardinal:
Il faut aussi protéger l’âme.

Hubert:
Mais pas dans la Constitution, Jean-Claude
!
L’âme est privée. La Constitution est publique.
L’âme est peut-être dans ton vin de messe, nageant avec une morale qui, comme on le sait, n’est pas toujours sobre.
Et soyons honnêtes: l’utérus n’est pas ton domaine de compétence.
Ton savoir-faire? Bénir des canards en plastique à la Schueberfouer, ou bénir des chats, des chiens et des peluches à Mamer avec du spray de foi.
Ou canoniser des influenceurs avec le hashtag #SaintOfTheDay, pour les fidèles connectés.

Cardinal:
La minorité catholique ne se sentira plus à l’aise.

Hubert:
Ça, c’est tiré par les cheveux!
C’est comme si, en tant que végétarien, j’étais personnellement offensé par l’existence d’une boucherie.
Le bien-être d’une minorité ne doit pas freiner les droits de la majorité – sauf si on imprime la Constitution sur du papier hostie avec ton autorisation, Jean-Claude, et que l’Église décide qui peut la lire.

Cardinal:
Mais nous avons la foi – les partisans de l’avortement, non.

Hubert:
Jean-Claude, la foi n’est pas un monopole.
Elle n’est pas réservée à ceux qui vont à la messe tous les dimanches.
Les sympathisants de l’avortement ont peut-être aussi la foi – juste pas la tienne.
Ou bien ils pensent. Et ça aussi, ce n’est pas interdit.

Cardinal:
Mais la foi est tout de même le fondement.

Hubert:
Mais pas celui de la Constitution.
Elle ne repose pas sur la doctrine de l’Église, mais sur des principes.
Et elle est écrite à l’encre, pas avec de l’huile sacrée sortie du tabernacle.

Cardinal:
Sans foi, la société perd son orientation.

Hubert:
Mais pas du tout!
C’est comme si tu disais que les gens ne trouvent leur chemin que s’ils tiennent une Bible comme boussole.
Penser est aussi une forme de navigation – juste sans tunnel spirituel.

Cardinal:
Mais la foi est plus que la pensée.

Hubert:
Oh Jean-Claude, mais pas quand il s’agit de notre Constitution.
La foi peut être profonde – mais pas plus que l’État de droit.
Et notre Constitution n’est pas là pour ancrer des émotions spirituelles, mais pour garantir des droits.
Je ne vais pas non plus inscrire ma playlist Spotify dans la Constitution, même si je verse une larme à chaque fois que j’entends l’Ave Maria.
Ce serait subjectif, émotionnel, et pas au goût de tout le monde.
Jean-Claude, si la foi est plus que la pensée, alors la pensée devient un problème.
Et quand la pensée dérange, on a besoin de foi – comme un opium.
C’est Karl Marx qui l’a dit, pas moi.
Le nouveau Luc veut inscrire l’avortement dans la Constitution comme une liberté, pas comme un droit.

Cardinal:
La liberté, c’est mieux. C’est plus spirituel.

Hubert:
Spirituel, oui – comme un vitrail d’église: joli, mais ça ne s’ouvre pas.
Mais je te le dis: la liberté est une intention. Un droit est une garantie.
La liberté, c’est comme une invitation à un buffet – mais quand tu veux te servir, il n’y a pas d’assiette.
Un droit, c’est une réservation: avec une place, un service, et la possibilité de se plaindre.

Cardinal:
Mais la liberté sonne noble.

Hubert:
Elle sonne noble, oui – comme une formule diplomatique: «On entrebâille la porte, juste assez pour que les femmes y mettent le pied – mais pas plus.»

Cardinal:
Mais le Premier ministre est très intelligent.

Hubert:
Oui, oui – assez intelligent pour échanger un droit contre une liberté.
C’est comme si je te donnais la liberté de manger – mais la cuisine est fermée, la recette est secrète, et le livre de cuisine est caché dans le confessionnal.
«Liberté d’avortement» sonne comme une déclaration symbolique: parfaite pour le prochain post du CSV sur Facebook, mais trop maigre pour la Constitution et trop vague pour la justice.
Xavier Bettel dit: Nous sommes en 2025, plus en 1700.

Cardinal:
Mais les valeurs sont intemporelles.

Hubert:
Oui, comme les bancs d’église – ils grincent et vacillent, mais ils restent debout.
Et toujours des hommes pour pérorer sur l’avortement comme si c’était leur utérus.
D’ailleurs, en septembre dernier, le Pape a dit lors de sa visite au Luxembourg que les Luxembourgeois devraient faire plus d’enfants – pour les statistiques.

Cardinal:
C’est une nécessité démographique.

Hubert:
Et le lendemain, en Belgique, le même Pape déclare: l’avortement est un meurtre, et les médecins sont des tueurs à gages.

Cardinal:
Eh bien, c’est la position de l’Église.

Hubert:
Si les médecins sont des tueurs à gages, alors la femme est complice, puisqu’elle est commanditaire du meurtre.
Et pourtant tu dis: je ne veux pas punir les femmes. Comment faut-il comprendre ça?
L’Église couvre-t-elle les complices d’un meurtre?
Et le proverbe alors
: «Marché ensemble, attrapés ensemble, pendus ensemble»?

Cardinal:
Je ne suis pas pour punir les femmes. Mais je suis contre l’avortement.

Hubert:
Ah. C’est comme au confessionnal: «Tu as péché, mais maintenant tu récites dix Notre Père et cinq Je vous salue Marie – et tout est pardonné»?

Cardinal:
L’Église croit au pardon.

Hubert:
Oui, mais où est la cohérence?
Si la femme n’est pas coupable, alors il faut chercher le coupable ailleurs.
Le gynécologue? Le partenaire? Le rendez-vous à l’hôpital?
Ou bien la société, qui manque de valeurs?
Ou même la statistique, qui ne compte pas assez d’enfants?

Cardinal:
La vie est sacrée.

Hubert:
Mais la logique, non?
Ton ancien chef traite les médecins de tueurs à gages, les femmes de complices – et toi, tu ne veux pas les punir, mais ça ne veut pas dire qu’elles sont innocentes.
Ce que je constate: l’Église catholique est encore une fois en train de culpabiliser, comme si la foi passait par la honte.
Elle fait ça depuis deux mille ans – pour le contrôle, pas pour la cohérence.
Mais aujourd’hui? Aujourd’hui, ça ne marche plus.
Les gens ne demandent plus pardon – ils demandent pourquoi ils devraient être coupables.
Mais l’Église pense toujours qu’elle doit distribuer la culpabilité comme des hosties – en espérant que personne ne les recrache ou s’étouffe avec.

Cardinal:
Ce n’est pas drôle.

Hubert:
Mais c’est logique.
Ou plutôt: c’est une logique cléricale, avec des dogmes pour pieds d’une table bancale qui ne s’effondre jamais.
Et les femmes? Elles sont assises dessus, elles écoutent, elles attendent, et elles se demandent: «Qui est vraiment coupable ici – moi, mon ventre, ou l’Église avec sa rhétorique?»
L’Église ne pourrait-elle pas simplement se détacher de sa logique masculine dépassée, accepter la réalité et décriminaliser?

Cardinal:
Je connais des femmes qui sont contre l’avortement.

Hubert:
Et moi je connais des hommes qui sont contre le football.
Et pourtant, la Ligue des Champions existe.


Les deux Hollerich se regardent, vident leur verre et prennent chacun leur chemin.

L’un vers la cathédrale et ensuite son palais épiscopal, l’autre vers son clavier.

Et quelque part entre les deux se trouve le Luxembourg, avec une Constitution qui attend encore le bon sens.

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